La veille de Noël, un étudiant tue trois personnes dans une banque de Vienne. Est-ce un crime gratuit ? L'assassin est-il relié à ses victimes ? Après "Benny's Video" et avant "Funny Games", Michael Hanecke livrait une vertigineuse réflexion en forme de puzzle sur le mal ordinaire, la violence et les images.
"Le 2 décembre 1993, l’étudiant Max W. a tué trois personnes dans une agence de la Volksbank à Vienne. Il a ensuite retourné l’arme contre lui et s’est tiré une balle dans la tête." C’est par cette dépêche que débute le troisième volet de la trilogie que Michael Haneke a consacrée à ce qu’il appelle la "glaciation des sentiments". Le film tente de reconstituer les événements des cinq jours précédant le drame. Pourquoi ce jeune étudiant a-t-il sombré dans une folie meurtrière ? Les meurtres sont inexplicables, le mobile reste une énigme : cela ressemble à l'acte gratuit par excellence. Peu à peu se dessinent pourtant les biographies des victimes et de leur assassin...
Les éléments du crime
Michael Haneke construit son scénario comme un puzzle, un patchwork constitué de 71 minuscules pièces humaines, comme autant de facettes de la réalité sociale et urbaine, autour de différents personnages, dont les protagonistes du drame, qui émergent peu à peu au premier plan. Rythmée par les images des JT (guerre en Bosnie, débarquement de l’armée américaine en Somalie), des scènes de rue, de faux éclats d’intimité – comme ces rites du lever et du coucher qui se répondent en écho entre deux couples, l’un de grands bourgeois, l’autre de prolétaires usés par le travail –, chacune des séquences, suintant l’angoisse ou l’humour noir, semble obéir à une logique cachée. Dans cette impressionnante réflexion sur le hasard – mais s'agit-il vraiment de hasard ? – qui fait se croiser des destins individuels également “glacés”, Haneke nous donne à regarder, de l’anecdote au spectaculaire, les ressorts et les images d'une société déshumanisée.