Le matelot 512

Au tout début du XXe siècle, parce qu’il « rêvait d’aventure », Max, 18 ans, part faire ses classes à Lorient et devient matelot. Il gravit peu à peu les échelons de la marine et promet à une femme, Colette, à qui il a fait un enfant, qu’il l’épousera à son retour. Entre-temps, il tombe amoureux de la femme du commandant Roger, qui devient sa maîtresse. À la vraie biographie d’un homme s’entremêlent ainsi des motifs de romans populaires, sans qu’on ne sache plus s’ils ont influencé les faits à l’époque ou les souvenirs aujourd’hui.

Avec : Dominique Sanda, Jacques Penot, Bruno Cremer, Laure Duthilleul, Tchéky Karyo, Michel Piccoli (récitant)

La critique du film par Le Monde

Il était une fois un homme de quatre-vingt-dix ans, Emile Guinde, qui apporta à René Allio l’histoire de sa vie, au début du siècle, écrite à la main sur deux cahiers illustrés de dessins naïfs. Allio, au Centre méditerranéen de création régionale, est l’ardent promoteur d’un cinéma lié à la culture, à l’expression du régionalisme. Entrer en possession d’un tel manuscrit ressemble à un conte : si l’histoire d’Emile Guinde est vraie, l’auteur a déclaré l’avoir un peu enjolivée.

A voir le film, on comprend ce qui a séduit, fasciné le cinéaste : l’apport de l’imaginaire à une narration de souvenirs inscrits dans un contexte historique bien précis. L’existence aventureuse et bouleversée par une grande-passion du "matelot 512", rejoint la littérature populaire de l’époque, qui s’inspirait elle-même du " vécu " de modèles sociaux aux destinées exemplaires, en bien ou en mal. Ainsi le Matelot 512 aurait pu être signé de Pierre Decourcelle, Paul Bertnay, Charles Mérouvel ou Jules Mary.

A dix-huit ans, Max abandonne ses études pour s’engager dans la marine. Il doit se marier avec Colette, une douce et tendre fille. Mais il a de l’ambition, il rêve d’aventures. Officier paternel, le commandant Roger le prend sous sa protection. Max, nommé aspirant, devient ordonnance de son chef à la villa " La Quimperlaise ". C’est là qu’apparaît la femme fatale, la Commandante, dont il tombe éperdument amoureux. Elle est sa maîtresse, elle le dévore. Il est accusé de meurtre, condamné, dégradé, enfermé dans le cachot d’un cuirassé qui, en 1911, explose en rade de Toulon. Sauf Colette, tout le monde le croit mort. En fait, il s’est échappé et, sous une autre identité, il est légionnaire à Sidi-Bel-Abbès.

Arrêtons-nous là car il faut ménager les surprises, et c’est suffisant pour fixer le ton et le sens d’un récit puisant aux sources vives du roman-feuilleton : le mauvais sort accablant un innocent, le mystère d’un fait divers, l’Afrique des légionnaires, l’héroïsme de la guerre de 1914, l’enchaînement des événements qui font se rencontrer, après des années de séparation, les protagonistes du drame.

JACQUES SICLIER - Le Monde - 1984