Réalisateur | Etaix Pierre |
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Des gens en vacances, une tournée publicitaire, et l’œil de Pierre Étaix qui regarde et qui montre. C’est le comique involontaire, celui de tous les jours, le trésor de la vie, qui nous est offert, inattendu, irrésistible. Etaix suit la tournée estivale du Grand Podium d’Europe 1. Il recueille le témoignage des participants sur la société dans laquelle ils vivent… en creux se dessine le portrait de la France de l’après-Mai 68.
Le dernier long métrage (à ce jour) de Pierre Etaix prend la forme d’un documentaire. De prime abord il y a de quoi être surpris. Tout semble opposer le genre documentaire à celui, dit comique, dans lequel œuvre Etaix. La restitution de la réalité paraît mal s’accorder avec la mécanique du gag qui présuppose une distorsion du réel. En y réfléchissant, le cheminement du cinéaste parait pourtant logique. On l’a vu, au fil du temps le comique d’Etaix glisse de plus en plus vers la férocité et la dénonciation des tares de la société moderne. En supprimant les gags (mais pas l’humour, nous le verrons), Etaix s’assure de ne pas parasiter son propos. Et si le film reste drôle, s’il semble très écrit, il le doit à la science de son montage.
Revenons d’abord à l’origine. 1969 : Annie Fratellini, la femme du cinéaste, doit participer à la fameuse tournée des plages d’Europe 1. Etaix la suit et filme les différentes étapes de ce radio crochet national. Il accumule 40 000 mètres de pellicule. En visionnant les rushes, le cinéaste a l’intuition que ces tranches de vie provinciales forment un tableau saisissant de la France de l’après-Mai 68. Une France qui repart de plus belle dans le consumérisme effréné. Une France ou tout semble possible, y compris le pire. Le cinéaste et son monteur s’enferment donc huit mois dans la salle de montage pour concevoir un véritable film comique documentaire. Une dénonciation implacable de la société de consommation dans laquelle le rire se teinte constamment d’effroi.
Pays de cocagne débute par une saynète fictionnelle assez hilarante ou Etaix détaille au spectateur la teneur de son projet. Vient ensuite la pièce de résistance : le montage à proprement parler. Imaginez l’ancêtre de l’émission Strip-Tease qui consacrerait un numéro à La Nouvelle Star. Mais sans les travers de l’émission belge, qui tire très souvent sur l’ambulance en prenant parfois un plaisir assez malsain à ridiculiser les "petites gens". Devant la caméra de Pierre Etaix, alternent des moments pathétiques, émouvants, drôles, consternants… où tout le monde en prend pour son grade.
Si le film s’appuie sur des interviews des participants du radio crochet d’Europe 1, Etaix n’épargne pas les organisateurs. Dans une scène assez surréaliste, la tournée d’une star d’Europe 1 prend l’allure d’un défilé d’empereur romain. Et si la majorité des participants qui se succèdent sur le grand podium de la station de radio tient des propos plus ahurissants les uns que les autres, certains se livrent à des analyses étonnamment lucides sur leur statut de chair à canon médiatique.
Dans un souci démocratique mâtiné d’ironie, Etaix clôt le film sur son propre procès métaphorique. Après avoir questionné un panel représentatif de Français sur divers thèmes comme le vedettariat, l’érotisme, la publicité etc., il aborde avec eux le sujet… Pierre Etaix. Loin de constituer un épisode mégalomane, ce segment permet au réalisateur de se faire épingler par les "personnages" qu’il a malmenés tout au long du film. Il suffit que quelqu’un souligne la grande finesse du cinéaste Etaix, pour que celui-ci lui donne tort en illustrant ses propos par un défilé de chair flasque. Ces divers procédés, très risqués, donnent au film une dimension suicidaire assez hallucinante. On connaissant le Pierre Etaix poète, le Pierre Etaix clown. Pays de cocagne nous présente le Pierre Etaix Kamikaze.
La presse se montrera d’ailleurs particulièrement hargneuse avec le film, lui reprochant sa condescendance envers la France des classes moyennes, sa vulgarité et sa méchanceté. Le même genre de reproches que l’on adressera à quelques fleurons de la comédie italienne (Affreux, sales et méchants et Le Grand embouteillage pour n’en citer que deux). Mais si Scola et Comencini se remettront sans mal de ces critiques injustes, et poursuivront leur prolifique carrière de cinéaste, Etaix verra son élan stoppé net. La réception du film jouera un rôle prépondérant dans sa mise au ban du cinéma français. Pourtant, 40 ans plus tard le film nous parle encore. Pire encore, il parle aussi de nous.
Des gens en vacances, une tournée publicitaire, et l’œil de Pierre Étaix qui regarde et qui montre. C’est le comique involontaire, celui de tous les jours, le trésor de la vie, qui nous est offert, inattendu, irrésistible. Etaix suit la tournée estivale du Grand Podium d’Europe 1. Il recueille le témoignage des participants sur la société dans laquelle ils vivent… en creux se dessine le portrait de la France de l’après-Mai 68.
Le dernier long métrage (à ce jour) de Pierre Etaix prend la forme d’un documentaire. De prime abord il y a de quoi être surpris. Tout semble opposer le genre documentaire à celui, dit comique, dans lequel œuvre Etaix. La restitution de la réalité paraît mal s’accorder avec la mécanique du gag qui présuppose une distorsion du réel. En y réfléchissant, le cheminement du cinéaste parait pourtant logique. On l’a vu, au fil du temps le comique d’Etaix glisse de plus en plus vers la férocité et la dénonciation des tares de la société moderne. En supprimant les gags (mais pas l’humour, nous le verrons), Etaix s’assure de ne pas parasiter son propos. Et si le film reste drôle, s’il semble très écrit, il le doit à la science de son montage.
Revenons d’abord à l’origine. 1969 : Annie Fratellini, la femme du cinéaste, doit participer à la fameuse tournée des plages d’Europe 1. Etaix la suit et filme les différentes étapes de ce radio crochet national. Il accumule 40 000 mètres de pellicule. En visionnant les rushes, le cinéaste a l’intuition que ces tranches de vie provinciales forment un tableau saisissant de la France de l’après-Mai 68. Une France qui repart de plus belle dans le consumérisme effréné. Une France ou tout semble possible, y compris le pire. Le cinéaste et son monteur s’enferment donc huit mois dans la salle de montage pour concevoir un véritable film comique documentaire. Une dénonciation implacable de la société de consommation dans laquelle le rire se teinte constamment d’effroi.
Pays de cocagne débute par une saynète fictionnelle assez hilarante ou Etaix détaille au spectateur la teneur de son projet. Vient ensuite la pièce de résistance : le montage à proprement parler. Imaginez l’ancêtre de l’émission Strip-Tease qui consacrerait un numéro à La Nouvelle Star. Mais sans les travers de l’émission belge, qui tire très souvent sur l’ambulance en prenant parfois un plaisir assez malsain à ridiculiser les "petites gens". Devant la caméra de Pierre Etaix, alternent des moments pathétiques, émouvants, drôles, consternants… où tout le monde en prend pour son grade.
Si le film s’appuie sur des interviews des participants du radio crochet d’Europe 1, Etaix n’épargne pas les organisateurs. Dans une scène assez surréaliste, la tournée d’une star d’Europe 1 prend l’allure d’un défilé d’empereur romain. Et si la majorité des participants qui se succèdent sur le grand podium de la station de radio tient des propos plus ahurissants les uns que les autres, certains se livrent à des analyses étonnamment lucides sur leur statut de chair à canon médiatique.
Dans un souci démocratique mâtiné d’ironie, Etaix clôt le film sur son propre procès métaphorique. Après avoir questionné un panel représentatif de Français sur divers thèmes comme le vedettariat, l’érotisme, la publicité etc., il aborde avec eux le sujet… Pierre Etaix. Loin de constituer un épisode mégalomane, ce segment permet au réalisateur de se faire épingler par les "personnages" qu’il a malmenés tout au long du film. Il suffit que quelqu’un souligne la grande finesse du cinéaste Etaix, pour que celui-ci lui donne tort en illustrant ses propos par un défilé de chair flasque. Ces divers procédés, très risqués, donnent au film une dimension suicidaire assez hallucinante. On connaissant le Pierre Etaix poète, le Pierre Etaix clown. Pays de cocagne nous présente le Pierre Etaix Kamikaze.
La presse se montrera d’ailleurs particulièrement hargneuse avec le film, lui reprochant sa condescendance envers la France des classes moyennes, sa vulgarité et sa méchanceté. Le même genre de reproches que l’on adressera à quelques fleurons de la comédie italienne (Affreux, sales et méchants et Le Grand embouteillage pour n’en citer que deux). Mais si Scola et Comencini se remettront sans mal de ces critiques injustes, et poursuivront leur prolifique carrière de cinéaste, Etaix verra son élan stoppé net. La réception du film jouera un rôle prépondérant dans sa mise au ban du cinéma français. Pourtant, 40 ans plus tard le film nous parle encore. Pire encore, il parle aussi de nous.
Pays de Cocagne